Afghanistan, Islam : « Faire une blague sur l'athéisme, peut se terminer en lynchage"
(traduction de l'article du journal belge flamand Knack du 22 décembre 2017)
L'organisation protectrice d'humanisme libéral danoise, deMens.nu, a discuté de son rapport 2017 sur la Liberté de Pensée qui montre que les non croyants dans le monde sont de plus en plus persécutés.
Athées, agnostiques, et humanistes libres penseurs, sont victimes d'une discrimination extrêmement féroce, ils sont persécutés voire même mis à mort. Ceci est démontré dans la récente publication du Rapport sur la liberté de pensée 2017 de l'Union Internationale Humaniste et Laïque (UIHL). La fédération internationale des associations humanistes fait un rapport chaque année sur la situation des athées, humanistes, libres penseurs et partisans de la laïcité dans le monde et ses violations sur une cartographie. Il en est à sa sixième édition.
"Dans 85 des 196 états indépendants reconnus, les droits des non-croyants sont gravement ou sévèrement violés, selon le rapport."
Dans sept pays, pour la plupart des pays islamiques strictes, les non-croyants ont été activement poursuivis en 2017: l'Inde, la Malaisie, les Maldives, la Mauritanie, le Pakistan, l'Arabie Saoudite et le Soudan. En tant qu'athée, il n'y a essentiellement que deux options: soit vous rendre invisible, soit être une cible.
Certains témoignages personnels de personnes victimes de leur incrédulité donnent au rapport volumineux un visage aux statistiques.
L'Association des Humanistes de Hollande, en coopération avec l'Union Vrijzinnige Verenigingen / deMens.nu, a commencé à discuter avec quelques libres penseurs en fuite. Leurs vies ont été menacées parce qu'ils écrivaient des blogs, étaient critiques à l'égard de la religion.
Aux Pays-Bas, les infidèles sont en sécurité, mais ce n'est pas évident de se montrer à visage découvert au monde extérieur.
« Quel est mon crime » est une campagne qui donne un visage à ces libres penseurs et athées en danger dans le monde.
Morid, venu d'Afghanistan est l' un de ces visages.
Morid (32 ans) a dû fuir immédiatement quand il est apparu publiquement qu'il ne croyait pas :
« En Afghanistan, vous ne savez jamais en qui vous pouvez faire confiance. Faire une blague sur l'athéisme, peut se terminer en lynchage ».
Ne pas croire veut dire être indiscipliné. Tout comme boire de l'alcool secrètement, ou se faire un tatouage. Cela ne veut pas dire qu'il n'avait peur de rien. Étant enfant, il dormait mal avec ces histoires de condamnation venant de Dieu. Il ne craignait pas le monstre sous son lit, mais il craignait le Dieu qui était dans sa tête. Pourtant, sa curiosité était plus forte. « Comment la terre peut elle avoir été créé en six jours ? » a t il demandé par la suite.
Plus il posait de questions à sa famille sur le sens de la vie et plus leurs réponses religieuses lui semblaient illogiques.
La Constitution afghane contient des dispositions sur la liberté de croyance et la liberté d'expression, mais la réalité est bien différente.
En effet, il y a une loi qui invalide toutes les autres dispositions : la loi islamique est au-dessus de la Constitution.
« Si vous déclarez que vous êtes athée dans la rue, vous ne resterez pas en vie. Dans chaque rue, vous pouvez trouver les radicaux qui veulent assassiner », explique Morid.
« Certaines personnes le font pour prouver qu'ils sont de fervents musulmans. Les partis radicaux ont une emprise politique et sociale sur le pays. La plupart des gens essaient avec diligence de respecter leurs normes, de peur d'être identifiés par d'autres. C'est peut-être là le plus gros problème ».
Avec sa petite amie Shogofa il pensait qu'il pouvait parler. Ils sont tombés amoureux au lycée et avaient l' intention de se marier. Cependant les parents de Shogofa l'ont forcée à étudier le droit de la charia. Lentement mais sûrement, elle est devenue fidèle. Une fois qu'ils ont étudié à l'université, Morid et Shogofa qui avaient grandi ensemble se sont éloignés.
Pendant des années, ils ont essayé de se persuader l'un l'autre. Elle sur sa foi, lui sur son incrédulité. Morid a traversé beaucoup de discussions entre eux deux.
Puis est arrivé une autre discussion. Shogafa était devenue si radicalisée qu'elle a fait quelque chose qui a changé la vie de Morid pour toujours.
« Elle a enregistré ma tirade sur l'Islam et l'a faite écouter à son enseignant religieux très strict. L'enseignant a fait diffuser l'enregistrement sonore dans la mosquée de ma ville natale. Cinq cent personnes ont écouté. Donc, ma propre amie m'avait trahi. »
En Afghanistan, ça semble être un devoir de tuer un apostat.
Morid à l'époque de la "trahison" de son amie était à Kaboul, où il étudiait. Il a entendu les nouvelles et s'est enfui immédiatement.
Sa première terre étrangère, fut la Turquie. « J'ai failli me noyer dans ma traversée vers la Grèce. Alors que nous étions en train d'être submergé par l'eau, tout le monde a appelé Dieu, Jésus, Allah et Mahomet. Je ne pouvais que gronder mon frère, qui me battait toujours quand je posais des questions difficiles sur la foi. »
Morid vit maintenant aux Pays-Bas et s'assoit avec d'autres fugitifs dans un groupe de réunion de l'Alliance Humaniste libérale. Cela le motive et il a inversé le cours de sa vie en peu de temps :
« En Afghanistan, j'avais parfois l'impression qu'il n'y avait que deux athées au monde, Richard Dawkins et moi. Ça rendait très solitaire. »
Morid veut que les pays démocratiques envoient un signal fort : "Que l'ONU et l'Union Européenne protestent contre la peine de mort pour apostasie, même si cela n'a pas d'effet direct sur le gouvernement afghan. Parce que ça rend les non-croyants plus forts. Le fait de savoir qu'il y a des gens comme moi est très important. Maintenant je sais que je ne suis pas seul."
La colère qu'il portait en lui pendant des années, a disparu. Il a pu complètement se vider. Régulièrement, quand il se lève le vendredi matin, il se remémore le temps où son frère le réveillait avec un jet d'eau avant la prière du matin. Maintenant, il peut être lui-même, et se retourne avec félicité sur son lit. « En tant que croyant en Afghanistan on ne peut faire confiance à personne. Mais peu importe combien c'était douloureux, cette vie ici est beaucoup mieux pour moi. Je suis libre maintenant. »
[D'autres comme Saikat (du Bangladesh) et Ali (de Syrie) ont du fuir leur pays d' origine parce que blogueurs athées ou apostats. Vous pouvez lire leur histoire sur deMens.nu .
Cette campagne a vu le jour grâce à l'Association Humaniste Libérale et la collaboration de deMens.nu.]
L'article de Knack (Belge) du 22 Décembre 2017 (en néerlandais) :
http://www.knack.be/nieuws/belgie/een-grap-maken-over-atheisme-kan-eindigen-in-een-lynchpartij/article-opinion-943007.html